vendredi 28 mai 2010

La crasse, de n'être pas né...

Un politique. Un prétendant, il veut occuper le trône (C'est la merde!) du Royaume de France. Il offre une de ces interviews qui distillent non point la vie mais la mort. Il est interrogé sur le scandale des centres de rétention en outre-mer ; des hommes, des femmes et des enfants sont retenus (Quand je vous dis que c'est la merde!) dans des centres (Vidéo : vidéo diffusée le 18 décembre 2008) entassés sur des nattes, à même le sol, dans des salles fermées par des grilles, dans des conditions d'hygiène inhumaine.

Le prétendant est interviewé dans le journal de France 3, le 18 décembre 2008. L'homme vous débite un laïus sur les conditions inacceptables « d'enfermement » (hic!), incompatibles avec les valeurs de la patrie des droits de l'homme... Et puis... Et puis... dans la deuxième partie du propos, rendant caduc l'indignation première, voilà ce qu'il dit : les Français ont voté, ils ont voté pour une politique, une politique clairement définie de lutte contre l'immigration clandestine. Alors? Alors, il faut qu'ils acceptent « Les dégâts co-latéraux ». Ce Co- (Préfixe signifiant «avec »). Ce « Co- » signifie qu'il faut que vous acceptiez les saloperies qui vont avec ce que vous avez voulu : la politique de lutte contre l'immigration. Et donc, la crasse -inévitable- qui va avec... D'où sur le dos du, « Les Français», LE politique s'exonère de la crasse. Du « vous », « Vous les Français », à « Nous », « Nous les Français », au « On », « On, les Français », impersonnel. C'est de ce « On », « Les Français », né de la loi du nombre qui constitue la saloperie Démocratique (Or nous savons que le cumul des votes de l'opposition et des abstentionnistes invalide ce qu'hypocritement on nomme majorité). C'est de ce « On », qui représente rien et donc Personne (relire « L'Alcibiade » de Platon) que se fonde le politique médiocre. L'homme politique qui cause dans le poste se dépouille (et t'es mort!) de sa subjectivité, pas de « Je », pour un « On » vide.

Pour être précis dans mon propos, je désirai me référer à l'enregistrement de l'interview. Or, surprise! Si vous trouvez la première partie de l'interview sur internet, vous ne trouverez pas le seconde (message sur Youtube : « Cette vidéo a été supprimée pour infraction aux conditions d'utilisation... » ) : Refoulé, censure, effacement. Alors avant qu'il y ait retour du refoulé, donc passage à l'acte (« ce qui n'a pas été symbolisé fera effraction dans le réel », nous dit ce cher Lacan.), la saloperie (Là, quand? Le camp, là, tout de suite, sous nos yeux) je vous demande d'entendre : vous ne pourrez y Copé.

Eric Waroquet

jeudi 13 mai 2010

Assoscission.

Il y a lieu de sortir de l'endogamie. Et, encore, de se séparer.
Trop d'endogamie inhibe et neutralise le désir.
Le "désir neutralisé", bel horizon pour des psychanalystes!

Un lieu n'est pas toujours clos. Le lieu se déplace, groupe tzigane, selon des va et viens. Les mouvements de ces déplacements tiennent lieu d'organisation. Pas d'appartenance, pas de liste, pas de nomination... On connait la musique!

Il suffit que chacun à son tour vienne passer une couche de sa peinture, une couche de quelque chose à formuler, à ex-primer, à ex-hiber, à faire sortir de là, l'endogamie et son in-hibition.

Cette passe peut venir de tout horizon, selon son style singulier. On ne demande pas les papiers. On y vient pour y entendre les tournures de chacun et les faire chanter avec les siennes. L'accord n'est pas requis. Le désaccord est souhaitable pour faire frottement.

Si l'un des fondements de la psychanalyse freudienne est l'infantile, dans l'émergence de la sexuation qui s'engage, on devrait pouvoir prendre acte d'ex-hibition, sans jouer du sur-moi morose ou de la sainte-nitouche hystérique, qui n'ont d'autres desseins que d'in-hiber.

L'enjeu de ces passes successives serait une reformulation plus marquée de l'humain dans sa relation à la sexuation et à la vie sexuelle qui, depuis Freud, ne sont plus que démarques à vil prix.

En cette période de perversion économique, le prix d'un homme dépasse le rachat d'une dette. Qu'est-ce qui vaut que ça prenne si cher?

Pas une association ou une société psychanalytique de plus, qui n'ont jamais rien d'analytique. Elles ont fait leur temps. Celui de la déconfiture et de l'organisation des petits bénéfices. Avec leurs petites manies qui n'en finissent jamais.

Un dispositif, une situation temporaires pour faire de la place à la passe : on y passe et repasse à l'occasion. A plusieurs, parler/penser ce qui arrive. Pas que des "psychanalystes" (si jaloux de cet attribut!). Avec tous. Pourvu qu'ils fassent partager l'expérience de leur médium. A partir de quoi, sur quoi on s'appuie pour parler.

Un groupe libre de passages, lieu polyphonique vivant. Sexué.

Une seule administration : une adresse, des noms, des dates.

group'Hors.

Pierre Babin

dimanche 18 avril 2010

gueule cassée

Il arriva un jour que le Tintoret, teinturier et peintre, prit rendez-vous chez Freud. Il n'avait pas très envie de parler de lui, ni même le besoin de lui confier matière à angoisse ou à inhibition. Mais il avait quelque chose d'urgent à lui demander.
Sans sourciller, Freud fit entrer le Tintoret dans son bureau, le fit asseoir, alluma un cigare et le fixa intensément.
- Que voulez-vous? Votre travail de peintre démontre que vous en savez déjà beaucoup. En quoi puis-je vous être utile?

- J'ai appris par la presse que vous avez subi des opérations très désagréables à la mâchoire. Et que ce n'est pas fini. J'ai peint récemment une toile dont le sujet central est un esclave qui s'est lui même affranchi. Qui a pris sur lui de conserver sa liberté d'allure. Pour le punir de cette audace insolente, son maître a fait torturer ce bâtard, lui a fait briser les membres. Comme ça ne suffisait pas à neutraliser son insolence, il a ordonné qu'on lui brise la mâchoire à coups de marteau. Le manche du marteau n'y a pas résisté... Comme je peinais un peu sur l'exécution de cette scène, j'ai lu cet article concernant vos opérations et, je ne sais pas exactement pourquoi, une analogie s'est formée dans mon esprit entre votre personne et cet affranchi. Est-ce que j'exagère?

Freud ne tirait plus sur son cigare. Il regardait toujours fixement le Tintoret, mais comme dans un halo dans lequel se mêlaient d'autres impressions et d'autres personnages. Après un long silence, il articula d'une voix assurée :
- Cher monsieur, c'est un honneur pour moi d'entendre vos paroles. D'entendre des paroles si justes d'un homme comme vous, qui a toujours fait face avec courage et lucidité aux aspects les plus déplaisants, voire les plus blâmables de la réalité humaine. Oui, nous vivons dans un épais nuage qui nous voile la vérité des choses : celles que nous faisons et celles dont nous sommes l'objet. Là où il est nécessaire d'exagérer, nous nous obligeons à réduire et diminuer. Je n'avais pas vocation à faire la martyr, pas plus que tout un chacun. Mais j'ai été le témoin de tant de choses, de tant d'affaires immondes, de tant de saloperies et de coups tordus, comme le disent si plaisamment les français, j'ai été moi-même l'objet de tant de scandales et de tant d'opprobres et d'injures publiques, qu'il m'est difficile de ne pas être tenté de vous répondre que vous n'exagérez pas, monsieur le teinturier : votre teinte, votre couleur est la plus juste qui soit. Jusqu'à récemment, j'ai reçu un gros livre écrit par un philosophe dont j'ai oublié le nom : j'y suis vraiment couvert de merde. A une autre époque j'aurais pu demander réparation dans un duel... Que voulez-vous? Le nuage est si dense, si épais qu'il interdit tout mouvement. Tout mouvement de la pensée et de la sensibilité. Tout mouvement pour reconnaitre et accepter ceci, l'activité de ce volcan : l'homme et la femme sont faits pour le sexe, et sont faits avec le sexe. Cela vaut-il tant de haine? On a sonné. Je dois vous laisser. Continuez sans moi. Vous savez l'essentiel. Merci d'être venu. Bien le bonjour chez vous. Bon travail. Vous me paraissez être un homme. C'est une espèce que je dirais en voie de disparition. Au revoir.

Le Tintoret descendit l'escalier de Freud sans penser à rien. Il retourna dans son atelier et termina la toile le soir même. L'homme déjà âgé qu'il était, aima comme jamais la jeune femme qui partageait ses jours.

Pierre Babin

dimanche 11 avril 2010

D'un jour à l'autre : le jour

J'aime le silence de la nuit. J'aime les bruits qu'ils le contrarient, le révèlent, le font entendre : le démarrage vrombissant de la chaudière, la poussée d'eau chaude qui gonfle les tuyaux, les cliquetis dans le ventre des radiateurs... J'aime la chute de la goutte d'eau du robinet de la cuisine, elle s'écrase sur la surface liquide du fond d'un verre : les ondes circulaires atteignent allègrement la paroi de mon crâne.

Une table. Des livres. Un cahier. Des stylos. L'écran de l'ordinateur crève la nuit. Un paquet de cigarette à portée de main, un briquet, un cendrier. La profondeur du ciel de nuit retenue par le cadre de la fenêtre dessine les ramifications de l'arbuste dénudé. La suspension se prolonge. Hier comme demain s'annulent. Nul regret, nul attente. Là, comme cela, tout me va!

A l'étage, S. et F. dorment, enfin je suppose. Je suis tout secouer. Leurs mots, leur rire, leur danse raisonnent encore. Oh, mon Dieu, qu'elles sont belles! Insolentes, sûr d'elles mêmes, aux délicates rebuffades, elles vous déchirent l'espace, effacent les ardoises. Mon coeur, mon corps, mon âme - je ne peux localiser exactement, se brisent : elles m'engendrent.

Des bruits de pas se font entendre. Je monte. S. sort de sa chambre :

  • « Tu ne dors pas? »

  • « J'ai fait un cauchemar ».

  • « Quelque chose qui t'angoisse? »

De l'entre-deux de la veille et du sommeil, elle prétend que non. J'insiste, mais pas trop, prudent de ne pas forcer la boîte aux secrets.

Il fait nuit encore. Le ciel noir rejoint le noir de l'océan. Je fends la nuit de mes phares blancs jusqu'à la gare. Les Sables d'Olonne – Paris : TGV. Train de Vie à Grand Vitesse.

Eric Waroquet

L'homme pieu ou l'affranchi (l'artiste) : Le Tintoret


«En nous veille quelqu'un qui détient un certain savoir et qui le médite, se le représentant dans sa propre langue quand l'occasion le permet, souvent un texte, ou une peinture, mais nous sommes aussi celui qui ne veut pas de cette sorte de connaissance et ferme ses yeux dans le texte même, ou l'image».

Yves Bonnefoy


« (…) Enfance et recomposition de la vue : si l'on n'a pas compris quelque chose dans le tissu de sa propre existence, Venise est la dernière chance pour le saisir et se ressaisir. »

Philippe Solers

De ces jambes, il veut y aller. De ses yeux, il veut voir. Du souffle de sa bouche, en dire quelque chose. Il est de retour, on peut supposer qu'il a quelque chose à dire de l'endroit où ses jambes l'ont porté, de ce que ses yeux ont vu. Il ne résiste pas au désir de raconter, tant et si bien que la nouvelle arrive aux oreilles du maître : « l'esclave », l'homme pieu, est parti en pèlerinage à San Marco pour reluquer les reliques de l'évangéliste sans demander la permission.

On ne sait si la colère du Maître est due à l'affranchissement de l'esclave, il s'est dispensé de demander la permission – affranchissement du fait même de s'être exempté de toutes obligations dont celle de demander la permission, ou que l'homme pieu ait pu voir ce qu'on ne devrait voir? Mais, n'est-ce pas la même chose?

Se lever, marcher et voir pour savoir. Et en dire quelque chose.

Son maître voulut le punir d'une manière exemplaire en le condamnant à une exécution publique. En bon maître, il sait offrir au peuple, ce « nous », de petites réjouissances (de celles qui vous justifient à vos propres yeux votre renoncement à voir et donc savoir) : la mort, oui, mais après qu'on lui eût crevé les yeux - de ses yeux qui ont fait effraction.

Regardez-les! Regardez la convergence des regards. Le maître, les bourreaux, le groupe d'hommes et de femmes, et nous spectateurs ne faisons qu'UN. La puissante convergence des regards plaque l'esclave nu au sol.

Le Robusti dit le Tintoret, nous montre l'acharnement des bourreaux sur cet homme dont je me plais à dire qu'il s'agit de l'homme pieu.

Regardez, au premier plan, à gauche, le premier bourreau vêtu d'une tunique bleue, à quatre pattes, tête baissée! Il lève le bras droit pour lui planter de toutes ses forces un pieu dans l'oeil. Voyez comme la force rassemblée dans ce poing levé ne vise pas l'ascension mais l'attraction de la chute. Rions : La force déployée s'avère dérisoire, elle se heurte à du dur, du dur de dur, du plus que dur, ce n'est pas la chaire molle du bedonnant fils à papa Polyphème, l'univoque, lui il en a deux. Le bourreau s'acharne, les morceaux de bois brisés sur le visage et autour de l'homme au regard en témoignent, en vain. Impuissance.

Comme le pieu se brise au contact du globe oculaire (Il ne s'est pas crevé les yeux. On ne lui crèvera pas les yeux), le maître ordonne qu'on lui brise ses jambes déliées qui le menèrent auprès de celle qui au creux de l'oreille vous susurre : « Veni etiam! ».

Voyez le deuxième bourreau, à l'autre extrémité, plié en deux! Il tient sa hache dans la main droite et de l'autre veut saisir une jambe, retourner ce corps, l'immobiliser, mais ce corps lui résiste. Pas moyen d'en finir! L'empoté! Rions, rions encore!

Et comme l'homme pieu ne peut cesser son chant, l'insolent, le bastard, le maître en colère, "qu'on fasse cesser ce chant", exige qu'on lui brise la bouche à coups de marteau. Peine perdue. C'est tout dépité que l'homme à la barbe et au bandeau, troisième bourreau, se tourne vers son maître : le marteau est cassé.

Allons, allons, rions! Mais ils ne peuvent, ils ne savent pas rire ! Le maître à l'extrême droite de sa hauteur est consterné. Les hommes assis à ses pieds se détournent un instant du spectacle et le regardent. Que craignent-ils? le miracle? Non. Le courroux du maître? Pire, son impuissance.

Voyez les badauds ! Ecoutez-les ? Vous entendrez les voix se lever au milieu même de cette grande salle de l'Accademia. Ils râlent, s'invectivent, se bousculent, s'écrasent. Torsion des corps, voyez cette femme à la gauche du tableau, oui celle qui tient un bébé dans les bras, à la robe orangée, un bonnet sur la tête, c'est qu'elle veut voir! Ils veulent voir! En auront-ils pour leur argent? L'extase sacrificielle : Du corps la vérité, toute la vérité, rien que la vérité : orbites ensanglantées, membres coupés, bouches défoncées, en corps et en corps. L'extase sacrificielle d'un corps supplicié pour dédommagement aux renoncements. Mais de quels renoncement s'agit-il? Mais regardes donc, c'est là inscrit sur cette toile : Le Miracle de Saint Marc délivrant l'esclave, 4,16m sur 5,44m pour te raconter, te dire ce qu'il en est.

Le cercle se constitue. Le cercle démocratique. Dans la cité démocratique, il n'y a point de différence, on va produire de l'accord -égaux jusqu'à l'indifférencié-, surmonter la diaphora en présupposant une in-différence au point centrale. On en désigne un parmi nous : l'homme politique dont le programme est que ça tienne ensemble. Ici le point centrale n'est pas le maître, voyez que de sa dérisoire hauteur il participe du cercle. Oh! merveille des merveilles teinte-d'orée révélatrice, bravo l'artiste, au point central, ici il y a substitution : l'affranchi.

On ose espérer que de la scène ainsi offerte créée pour chaque-un le trouble, l'étonnement, l'inquiétude, l'angoisse : qu'elle te saisisse et ne te lâche plus jusqu'à libération - pour les badauds, comme pour toi le scrutateur de ce miracle de Tintoret délivrant en nous l'esclave.

Naïf que je suis! Sûr que tu ne vaux mieux que les badauds, que les touristes qui dirons l'avoir vu. Mais entend donc ce que tu vois, tout est dis sur cette surface peinte. Ballade ton regard sur la surface de la toile, et fait retour sur cette femme à la gauche du tableau qui tient un bébé dans les bras, à la robe orangée, un bonnet sur la tête, celle déjà évoquée. Ne t'attardes pas trop sur ses formes généreuses et regardes l'enfant. L'infant ne parle pas mais il voit. Dans cette scène, il est le seul à voir. Un regard hors convergence, il regarde ailleurs... Et que voit-il? Saint Marc.

Le peintre, Le Tintoret (le Tintoret doit ce surnom "le petit teinturier" à la profession qu'exerce son père), nous donne des indices : Saint-Marc vêtu d'une tunique vieux rose et d'une ample cape orangée. Le rose rappelle le vêtement du maître, l'orangé la robe de la femme à l'enfant. Le réseau de sens se joue de ces quatre figures : l'esclave et le maître, l'enfant et Saint Marc. Dessines un losange dont chaque pointe est au milieu de chaque côté qui constitue le rectangle de la toile. Au sol l'esclave, au ciel Saint Marc. A droite le maître, regard plombé, à gauche l'enfant au regard allégé.

Et personne, sinon l'enfant, ne voit Saint Marc qui fonce tête la première, juste au-dessus de l'esclave. Figure vigoureuse, athlétique, un colosse et pourtant il a la « légèreté d'un corps aérien » (1).

Du franchissement qui mène de l'état d'esclave à celui d'affranchi, il n'y a pas de retour possible. On peut s'attaquer au corps mais pas au corps duquel le souffle lui a donné sont inaltérable légèreté : mes jambe m'ont porté, j'ai vu (et là clin d'oeil complice à la femme à l'enfant), et j'ai parlé.

Saint Marc est l'affranchi. L'affranchi est Saint Marc. C'est de haut qu'il observe ceux qui ne pourront le saisir : ils ne peuvent ni voir, ni entendre. Alors il va sous d'autres cieux. Quand à l'homme sur lequel ils s'acharnent démocratiquement, qu'ils veulent faire taire ces ignorants, c'est à chaque-un d'eux qu'ils s'attaquent : au singulier.

Saint Marc est Venise. Tintoret est Venise. Tintoret est Saint Marc. On a longtemps pensé que sous son bras Saint Marc tenait un gros livre; il n'en est rien, c'est une boîte ; elle renferme palettes, pinceaux et couleurs.

Eric Waroquet

1. : Stendhal

vendredi 12 mars 2010

Mille secousses

Un bon vin ce Mille secousses, découvert dans une Ecole de Perfectionnement de l'Education Nationale, en 1969, à l'occasion d'une fête.
Depuis, on essaie de maintenir un peu d'ivresse. On essaie aussi de se secouer le plus possible. Pas facile en temps de maintien de l'ordre, sécurité oblige, et d'immobilité imposée par des normes concentrationnaires pour empêcher toutes sortes de mixitées migratoires. Que rien ne bouge. C'est le mot d'ordre du parti de la mort. Rimbaud et Baudelaire en psychiatrie ou en tôle. Ça fait un bout de temps que ça dure. L'humanité a l'habitude. Faut croire que la haine du désir est aussi tenace que le désir lui même. Même chez ceux, vous le croyez? qui ont l'arrogance de passer pour les experts en désir : la bande-psy, le "peuple-psy", ainsi désigné par Sibony, fameux secoueur de cocotiers, à la joie de qui je lève mon verre de Mille Secousses.

Toute secousse est sexuelle. La saillie spirituelle, avoir de l'esprit, faire un bon mot, rire de faire rire, décolle l'amalgame identitaire. La secousse, les secousses, "mille e tre" comme Don Juan? décompose et sépare les strates identitaires de l'aglo dont nous faisons notre bois comme nous pouvons, collé à notre image composée. Pas grand chose qui résiste au Witz, invention secouée par les glissements et les déplacements du yiddish. Pas étonnant qu'on ait voulu les faire disparaitre : pour faire taire ce rire, et dans le cadavre figer la secousse. Vous en connaissez beaucoup des hommes politiques, capables de vous faire rire d'un bon mot? Ils n'ont qu'une idée en tête : vous coller dans un camp. C'est triste à mourir. C'est le parti de la mort.

Pierre Babin

mardi 9 mars 2010

Ambiance

La machine à laver la vaisselle ronronne. TSF Jazz fait défiler ses flux mous. Les enfants ont bien mangé. On a bien ri. Jusqu'ici : aucune insolence. C'est dur de mourir au printemps, chantait Brel. C'est dur d'être insolent toujours, et Bastard de surcroît. C'est jamais donné. Pas grand chose qui soit donné! Faut aller le chercher, l'arracher, le prendre, parfois de haute lutte. Pour ça que j'aime le rugby. Le sexe aussi. C'est pas toujours gagné. Faut déborder un peu... Secouer l'identité... La mienne, pour affirmer que c'est bien ça qu'on veut. Parfois, on oublie... On ne parle pas souvent de cette paresse organique, pulsionnelle. Inhibition? Faute? Amstrong sur TSF : je crois que lui n'oubliait pas tant que ça. C'est ça aussi, cette tournure des choses, le sexe, d'abord le sexe, qui caractérise l'esclavage et son oppression de tous les instants : la peur d'être écrasé, anéanti, rien, une merde. Alors, si tu bandes quand même, là, tu commences peut-être à te rapprocher de l'insolent bastard, ce truc toujours en cavale, qui fuit le rattrapage. Le sexe, l'insolent solo. Un bastard nique la faute.

Pierre Babin

vendredi 5 mars 2010

On se doit de dépasser l'école primaire où le mot colle à la chose

- SERVAGE - SEVRAGE : La permutation de l'être...
- Fraq el hyat morr oues'aib (La séparation est amère et dure) Mohammed El Anka

Eric Waroquet

dimanche 21 février 2010

Le symptôme court toujours

Le symptôme court toujours; il est fait pour ça. Pour qu'on ne puisse pas l'enlever. Comme le dit le lieutenant Rainer, dans Tarantino.
Le symptôme, pour se souvenir qui on est, ce qu'on fait là, quel est notre job, notre affaire. Un truc en filigrane. On peut détecter les faux. Les faux court les rues. Vu que le symptôme a mauvaise presse : fais pas ci! Fais pas ça! Tu devrais... Tu devrais pas... Ils ont même réussi à priver Sartre et Gainsbourg de cigarette. Le symptôme, ton symptôme, c'est ta signature sensorielle secrète.
Pas de symptôme, pas d'artistes! Pas de Joyce, de Rilke, de Bacon , ni de Rimbaud, ni de Boltanski, encore moins de Schubert, de Miles Davis ou de Debussy. Le fascisme c'est l'aversion totale pour le symptôme : le symptôme-rat, le symptôme-poux.
Connais ton symptôme, attrapes par les couilles et ne le lâches plus. Valeur sûre : tu ne peux pas faire autrement.

Pierre Babin

Sur le sillage de...

Sur le sillage de Tarantino, on pourrait dire que l'insolence d'un Bastard, serait de mettre à quelqu'un quelque chose qu'il ne pourra jamais enlever.
Et ça pourrait être autre chose qu'une blessure, un coup ou une injure! Ça pourrait même une marque dans laquelle on se reconnaitrait; quelque chose d'autre qui nous ressemblerait. Qui dirait une part de notre ombre, de notre vérité... ( si ce mot n'est pas trop pompeux).
On a des souvenirs comme ça, que jamais rien ne pourra nous enlever. Ça peut contribuer à notre portrait, à notre filigrane secret. Oui, bien sûr, dans "filigrane", il y a "fil", comme dans "filiation... Alors tout ça serait donc cousu de fil blanc! C'est un peu comme ça, en effet. Alors, pour ne pas oublier cette couture, et comment ça a été cousu - ce qui constitue notre puits de pétrole inépuisable, merci Total!- cultivons notre symptôme.
Symptôme : ce qui nous est de plus familier, de plus solidement ancré, sorte de signature ou de code sensoriel, un mode de relation privilégié et unique avec l'objet, quelqu'il soit : nourriture, amour, éléments, langue étrangère, rythme, sonorités, couleurs, parfums... Le Baudelaire de chacun.
Symptôme : ce que de toutes part, et avec une insistance lassante, on a toujours voulu qu'on s'en débarrasse. Des insistances familiales, conjugales, religieuses, professionnelles, amoureuses, de toutes nature, contre une insistance à nous propre. It's my own disent les Anglais. Ce que tu ne peux pas faire autrement
Chope ton insistance à deux mains et cogne avec!

Pierre Babin